Banques : des taux négatifs… surtout pour le consommateur

Le Canard enchaîné – 23/10/2019 – Hervé Martin –
C’est l’histoire d’un banquier qui se transforme en Père Noël. Au printemps 2019, Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne (BCE) – prochainement remplacé par Christine Lagarde -, décide subitement d’inonder l’Europe d’argent à bon marché. Pourquoi tant de générosité ? D’abord pour relancer la croissance européenne, écornée par la crise de 2008 : avec de déluge d’oseille et de taux de crédit quasi nul – voire négatifs -, les entreprises vont investir à tour de bras, et les individus consommer jusqu’à plus s0if. Ensuite, Draghi entend éviter le naufrage d’un pays européen surendetté. La Grèce, l’Italie, l’Espagne – la France ? – trouveront ainsi les fonds pour financer leurs énormes déficits.
Un temps efficace, la recette ne marche plus aujourd’hui. La croissance européenne est repartie à la baisse, et de nombreux citoyens constatent au quotidien que la gratuité peut coûter cher…
L’immobilier (dé)coince la bulle
Bon pour l’immobilier les taux bas ? Certes, à 1,20 % en moyenne pour un prêt sur vingt ans (* meilleur-taux.com, 7/10) la facture de l’emprunteur a diminué de plus de moitié en cinq ans. Sauf que ces taux bas provoquent une ruée des acheteurs : un record absolu de 1 million de ventes a été battu cette année. La hausse des prix – féroce – qui l’accompagne ressemble à une bulle financière. A ce sujet, la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim) a récemment publié une cruelle étude. 
Oui, le pouvoir d’achat immobilier des ménages a grimpé : avec la même mensualité de remboursement, ces derniers peuvent souscrire un crédit d’un montant 23 % plus élevé qu’en 2005. Mais le mètre carré, lui aussi a flambé. depuis 2016, la capacité d’emprunt ne progresse plus du tout. Elle a même chuté d’environ 10 % dans les villes où la demande est forte – tels Paris ou Lyon. Merci l’inflation !
Une épargne que rien n’épargne
Adieu le placement lucratif et sans risque ! Le malaise a commencé avec le livret A (300 milliards de dépôts), dont le taux dépende de celui des prêts entre banques « au jour le jour ». Ce dernier étant négatif, confier ses sous au livret A devrait – en appliquant mécaniquement la règle de fixation des taux – rapporter royalement 0,3 %. Le sujet étant explosif, Bercy maintient un rendement à 0,75 %, mais pourrait le raboter à 0,5 % au printemps. Inflation déduite, l’heureux épargnant pourra perdre chaque année 0,6 % de son pécule. Tentant !
Pour l’assurance-vie en euros – 1 400 milliards, soit le tiers de l’épargne des français – c’est la même dégringolade. Normal : les fonds sont investis en obligations d’État françaises, donc à -0,3 %. En puisant dans leurs réserves, les compagnies d’assurance-vie verseront cette année encore, entre 1 et 1,5 % d’intérêt (soit moins que les 1,80 % d’inflation de 2018). Mais ces largesses ne vont pas durer.
Des clients qui banquent toujours plus
Leurs taux faméliques ne couvrant pas les frais de gestion, les prêts immobiliers ne rapportent plus rien aux banques. Conséquences ? D’abord, depuis le début de l’année, une purge sur l’emploi : 50 000 postes ont été supprimés dans des établissements européens tels que la Société générale, Commerzbank, Deutsche Bank, UniCredit. Le client dérouille aussi : plusieurs banques sont annoncé qu’elles entendaient frapper  d’un intérêt négatif les dépôts trop cossus : supérieurs à 1 million il y a un mois, à 100 000 euros aujourd’hui. En France, « il n’y a pas de décision prise » à ce sujet assure un porte-parole du Crédit agricole. Pour le moment.
Les frais bancaires, eux, n’ont pas attendu, même si, gilets jaunes obligent, Macron a exigé leur gel temporaire en 2018. Selon la Banque de France, ils ont augmenté de 166 % entre 2012 et 2017.
Lire aussi : Taux négatifs : les banques se préparent à de nouveaux mois difficiles (Les échos – 28 juillet 2019)

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