Surpêche : ça flotte à Bruxelles

Le Canard enchaîné – 13/11/2019 – Conflit de Canard –
C’était promis-juré. En 2020, on allait enfin en finir avec la surpêche en Europe. Ce louable engagement de Bruxelles, décidé il y a six ans, au moment de la réforme de la politique commune de la pêche, prend l’eau. L’année prochaine, près de 20 % des stocks de poisson dans les eaux européennes seront encore surexploités. On en remonte dans les filets 6 millions de tonnes chaque année, 400 000 pour la France. Avec, en première ligne la Méditerranée, où l’on pêche déjà deux fois trop de pescaille. 
Les poissons sont d’autant plus ml barrés que les ministres européens de la pêche veulent mettre de l’argent dans le casier pour subventionner la construction de nouveaux bateaux. Des aides qui avaient été stoppées il y a quinze ans, justement pour ne pas doper les performances de rafiots qui pêchent déjà trop. « Les subventions de Bruxelles devraient être utilisées pour encourager les techniques de pêche durable plutôt que pour augmenter la capacité de la flotte européenne« , s’agace Mathieu Colléter, l’un des responsables de l’ONG Bloom qui milite pour la protection des océans. 
Autre arête dure à avaler : alors que la Commission européenne voulait réserver ce coup de pouce à la pêche artisanale, à savoir les bateaux de moins de 12 mètres, les États européens, la France en tête, ont poussé pour les subventions soient étendues aux chalutiers jusqu’à 24 mètres. Un rafiot de cette taille prélève environ 380 tonnes de poisson par an, sept fois plus qu’un gros bateau de pêche artisanale. Et, pour en mettre toujours plus dans la cale tout en empochant l’aide, il suffit d’acheter un chalutier qui fait moins de 24 mètres de longueur, mais avec un gabarit XXL, vu que la largeur, elle, n’est pas réglementée…
Présenté comme le chalutier du futur, Arpège mesure 24 mètres de long pour 8.5 mètres de large, avec un tirant d’eau de 3 mètres et un déplacement de près de 300 tonnes en charge. Il présente de nombreuses améliorations par rapport aux bateaux existants.  Arpège (© Bureau Mauric-Socarenam)
Mauvaise nouvelle en sus pour les poissons : les marins pêcheurs pourront également demander de l’oseille pour changer de moteur, afin de tracter de chaluts encore plus grands ! Sur le papier, le nouveau moteur ne doit pas être plus puissant que l’ancien, mais les contrôles sont quasi inexistants. « Grâce à un efficace lobbying à Bruxelles, les patrons de chalutier ont une fois de plus emporté le morceau au détriment des petits bateaux qui pratiquent une pêche durable« , déplore l’un des représentants du syndicat des pêcheurs artisanaux.
On espère que le nouveau Parlement européen, qui a commencé à plancher sur la question le 12 novembre, va un peu se mouiller pour les poissons.

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