Hôpital public : le dernier qui part éteint la lumière humaniste

Siné Mensuel – janvier 2020 – Patrick Pelloux –
Les mois passent et la crise sociale à l’hôpital public ne faiblit pas. Les internes sont entrés dans le conflit avec les mêmes revendications : les salaires, les conditions de travail et le respect de leurs formations. Ils ont toujours été la variable d’ajustement des centres hospitaliers universitaires. Avec la diminution du nombre d’étudiants en médecine et la spécialisation de toutes les disciplines, les internes sont devenus très rares dans les hôpitaux de proximité et les centres hospitaliers non universitaires. L’argument était la qualité des soins et de l’encadrement qui ne pouvait se faire, soi-disant, qu’au CHU sous la pensée unique des doyens.
Mais rien ne change. Les internes dans les CHU sont donc la main-d’œuvre facile, compétente et soumise faisant tout… ce que les plus anciens ne peuvent plus faire. Et que font les anciens ? Ils gèrent la pénurie et travaillent les plus possible avec des contraintes budgétaires de plus en plus écrasantes, avec comme conséquence des conditions de travail très difficiles. Ainsi, c’est comme un jeu de dominos qui s’écroule, la cascade des chutes : l’effondrement du système public est réalisé.
Mais, attention, rien n’est le fruit du hasard. Tout ce scénario était écrit, et depuis longtemps. Le système de la Sécurité sociale est vraiment l’obsession du capitalisme avec le service public hospitalier. La déliquescence du système public a vraiment commencé en 2007 avec l’hôpital-entreprise de la ministre de l’époque, Bachelot : culture et rentabilité (un malade devenant rentable te un autre non !). La culture du déficit (tous les hôpitaux ont toujours été déficitaires), la fin de la culture publique (le retour sur investissement), etc. Il aura fallu douze années pour que tout s’effondre car le passage de la gauche de 2012 à 2017 n’a pas freiné la casse.
Toujours moins
Lentement mais sûrement, les inégalités se sont creusées. Moins de médecins, moins de prévention, moins d’accès aux soins spécialisés comme le cancer, fermeture de nombreux établissements (cent mille lits en quinze ans…) et des malades qui ne peuvent qu’aller aux urgences !
C’est ainsi que le mouvement fait boule de neige dans un véritable ras-le-bol général.Les personnels de terrain ne croient plus à la parole des directeurs et des politiques. Tous les témoignages sont concordants sur la perte des principes du service public. Sans oublier que la fracture des professions de santé s’opère maintenant entre celles et ceux qui font des gardes de nuit et doivent travailler les week-end et celles et ceux qui n’ont pas ces contraintes. Il n’y a pas les bons d’un côté et les méchants de l’autre, il y a juste un contrat social qui  n’est pas reconnu malgré toutes les études sur la santé au travail.
La perversion de cette politique a été de contraindre les personnels et de creuser l’écart entre public et privé. Du coup, le personnel s’en va : conditions de travail difficiles et salaires au plus bas = départ massif. Ainsi, chaque jour à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (APHP), 900 lits d’hospitalisation conventionnels sont fermés par manque personnel !
Dernier indice de l’écroulement des principes et du système hospitalier public, le principal sujet de conversation est : « Quand pars-tu dans le privé ? »

A propos werdna01

Hors des paradigmes anciens et obsolètes, libérer la parole à propos de la domination et de l’avidité dans les domaines de la politique, de la religion, de l’économie, de l’éducation et de la guérison, étant donné que tout cela est devenu commercial. Notre idée est que ces domaines manquent de générosité et de collaboration.
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