La politique aussi doit changer

Ouest-France – 17/06/2020 – Jean-François Bouthors journaliste et écrivain –
L’hôpital, l’enseignement, le commerce, l’hôtellerie, la restauration; la culture, le tourisme, l’aviation, le travail, les cultes, la famille et bien d’autres pans de nos existences personnelles et collectives ont été affectées par la pandémie. La crise sanitaire s’apaise chez nous, mais nous sentons qu’elle ne sera pas simplement une parenthèse que nous pourrons refermer. Il va falloir changer… D’autant plus que nous avons devant nous la crise écologique. Les températures anormalement chaudes du mois de mai, sur toute la planète, nous l’ont rappelé. La vie ne reprendra pas tranquillement comme avant, quand bien bien même les habitudes et les nécessités sont fortes. Dans ces conditions, que peut-il en être de la politique ?
Nous savions depuis plusieurs années qu’elle était en crise. L’élection d’Emmanuel Macron, en 2017, n’avait été possible que par l’épuisement des « partis de gouvernement », à droite et à gauche. Mais les perdants avaient eu beau jeu de soutenir que son programme n’était approuvé que par une minorité de français – à peine un quart des votants du premier tour de la présidentielle.
Ce procès en « illégitimité » des réformes a bientôt trouvé sa traduction dans la révolte des Gilets jaunes, puis dans l’opposition à la réforme des retraites. Le « nouveau monde » s’est usé, sans que l' »ancien » ne refleurisse. résultat, les extrêmes sont en embuscade.
La pensée politique est en panne
Pendant le temps de la pandémie, toutes les oppositions se sont occupées à dénoncer les erreurs de l’exécutif. Les cafouillages sur les masques et les tests leur ont donné du grain à moudre… Mais il y avait là plus de calcul « politicien » que de hauteur politique. Si les français sont mécontents du pouvoir, ils ne souhaitent pas majoritairement changer de Premier ministre : autant dire qu’ils ne savent pas à quel leader se vouer. Personne ne semble, à leurs yeux, capable de les conduire pour relever les défis causés par les trois crises qu’il nous faut affronter : sanitaire, économique et écologique. Quand le scepticisme est si général, la colère n’est jamais loin… Il n’est pas absurde de penser que les manifestations contre le racisme et les violences policières capitalisent sur ce malaise.
Peut-on sérieusement poursuivre la politique comme avant sans se poser la question de la représentation ? Les partis actuels ne sont guère plus que des machines polarisées par la compétition électorale. L’essentiel de leur action se concentre dans les opérations de communication qui visent à capter des voix ou à les dissuader de se porter sur des concurrents.
La pensée politique est en panne. Du côté de l’exécutif, elle se veut managériale, technique. Dans les rangs de l’opposition, elle est tribunitienne. Ce n’est pas le rêve récurent d’une démocratie directe qui peut pallier ce défaut : les emballements émotionnels prennent le le pas sur le discernement. Et le Président peine à mobiliser autour d’une vision. 
Dessin : KAK
Il conviendrait de changer de perspectives. Ce qui mériterait d’être représenté, ce ne sont pas tant les appareils politiques, mais celles et ceux qui sont impliqués ou concernés par les dossiers, les enjeux, les défis auxquels nous devons impérativement nous attaquer ensemble. C’est nécessaire pour prendre la mesure des enjeux, pour mobiliser les compétences, pour construire des convictions communes et pour dessiner des compromis indispensables. C’est même une condition pour que nous parvenions à distinguer, non pas des prétendants au pouvoir, mais des personnalités capables de servir la nation.

A propos werdna01

Hors des paradigmes anciens et obsolètes, libérer la parole à propos de la domination et de l’avidité dans les domaines de la politique, de la religion, de l’économie, de l’éducation et de la guérison, étant donné que tout cela est devenu commercial. Notre idée est que ces domaines manquent de générosité et de collaboration.
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