Frais bancaires ? la ponction

Le Canard Enchaîné – 17/01/2018 – Jean-Michel Thénard –
Un décès, un virement, un découvert, un changement de banque ? Taxés ? Et de plus en plus.
Ils sont arrivés, les relevés annuels de frais bancaires, établis en janvier. Comme les galettes, mais sans la fève. Et devinez quoi ? Ils augmentent. Oh, pas de beaucoup : 0,25 % en moyenne pour 2018, selon une étude du comparateur de tarifs Panorabanques. Mais la facture avait déjà crû de 1,7 % l’an dernier, et de 2,3 % en 2016. Pour une moyenne de 194 euros par compte.
Pourtant, les banques de détail continuent de crier misère. Les taux d’intérêt sont trop faibles, les renégociations des prêts immobiliers les ruine, le traitement des chèques les accable et le personnel en surnombre les étouffe ! En 2016, selon l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution – qui supervise banques et assurances -, les revenus de la banque de détail auraient alors baissé de 3,3 %. Alors, elles se rattrapent sur les frais.
L’augmentation de ces derniers est loin de tout compenser. Mais quand il enter qu’entre 2009 et 2017 les seuls coûts de tenue de compte ont augmenté de 141,8 %, le client voit rouge… Moins il y a de personnel au guichet, plus il doit se muer en employé pour procéder à ses propres opérations, et plus il doit payer : cherchez l’erreur.

Dépôts ? Cédez !
Votée en 2015, la loi Macron prétend faciliter, depuis 2017, le changement de banque des clients mécontents. Dans les faits, l’exercice reste un parcours du combattant. Quinze millions de personnes sont prisonnières d’un crédit immobilier. Se faire racheter son emprunt par la concurrence entraîne des pénalités de sortie. Le garder, tout en domiciliant ses revenus ailleurs, entraîne une hausse du coût du crédit ! Sans parler de l’assurance obligatoire dont le taux de profit, reconnu par la profession, s’établit à 50 %.
Pas étonnant donc, que les banquiers aient cherché – en vain – l’appui du Conseil constitutionnel contre la loi du 21 février 2017, qui autorise les emprunteurs à renégocier chaque année l’assurance de leur crédit et à mettre leur banque en concurrence. L’assurance peut représenter jusqu’à 40 % du coût total d’un emprunt…
Tout est prétexte à facture. Vous mourez ? La banque peut prélever jusqu’à 280 euros pour la succession, sans avoir besoin de vous envoyer la note… Un virement d’un pays à un autre dans la zone euro ? Facture. D’un pays euro à un pays non euro ? Facture aggravée : 34 euros débités à un enseignant qui avait gagné 112,01 euros pour un cours donné dans une université tchèque. 
La date de valeur déterminant le début réel d’une opération, – crédit ou débit – représente une véritable mine. La fille d’un lecteur du « Canard » a adressé à son père un chèque de 10 000 euros pour rembourser une dette. Le chèque est déposé le 22 novembre, la somme n’est disponible que… le 6 décembre. En quatorze jours, l’argent a transité de l’agence normande de Neufchâtel-en-Bray à celle de Saint-Nicolas-d’Aliemont, située à 26 km. Explication de la Caisse d’épargne : « Tout dépôt de chèque supérieur à 8 000 euros est soumis à un délai d’encaissement de quatorze jours pour vérification de la provision« . Et pourquoi pas carrément un délai de six mois ? La Cour de cassation l’a pourtant rappelé dans un arrêt de 2011 : en matière de dépôt de chèque, une banque doit fixer « un délai motivé par une contrainte matérielle d’exécution ». Mais qui mesure cette contrainte ? En tout cas, ajoute la Cour de cass, pour les espèces, le compte doit être crédité le même jour que le dépôt, et, pour un virement, dans les 24 heures. 
Avis au client
Source de profits colossaux : les sommes que les banques empochent avec les découverts. Trois français sur dix en pâtissent de façon récurrente. Les abus sont si manifestes qu’en novembre Bruno Lemaire, le ministre de l’Économie t des Finances, a demandé un état des lieux au comité consultatif du secteur financier. Comme de juste, ce sont les moins fortunés qui payent le plus. « Parfois jusqu’à un mois de salaire« , assure l’Association française des usagers de banque (Afub).

La panoplie du banquier est large : lettre d’information pour compte débiteur non autorisé, la même (en recommandé) pour la relance, lettre de mise en demeure pour régularisation du compte débiteur, sans oublier l’avis à un tiers détenteur, etc. Toutes coûtent une fortune – entre 12 et 24 euros – et, s’il y en a plusieurs, l’addition flambe. Le rejet d’un chèque peut atteindre 30 euros pour un montant inférieur à 50 euros, et 50 euros pour un montant supérieur. Chaque fois s’ajoute une commission d’intervention (8 euros) plafonnée à 80 euros par mois. Il faut être riche pour être à sec. 
Personne n’est épargné. Ainsi cette mère de famille qui, ébahie, a constaté une ponction récurrente de 40 euros (pour frais d’intervention) sur les relevés bancaires de son fils de 21 ans. Chaque fois que son découvert autorisé de 100 euros était atteint, elle avait beau approvisionner le compte, il était trop tard pour éviter le prélèvement. 
Qui se rebelle contre ces pratiques ? Sur 71 millions de comptes, seulement 13 000 plaintes sont reçues chaque année, et moins de 1 000 procès intentés. Taux de réussite des plaignants : 70 % ! La grogne paie : à la BNP, près d’un tiers des clients contestant leurs frais de compte ne les acquittent pas l’année suivante.
Vu le taux dérisoire de rémunération de l’argent, le bas de laine sous le matelas va devenir une solution d’avenir pour arrêter les frais.

A propos werdna01

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