Réserves naturelles : seul le pourcentage était bien protégé

Le Canard enchaîné – 23/10/2019 – Jean-Luc Porquet –
C’est l’histoire d’un chiffre : « D’ici à 2022, nous porterons à 30 % la part de nos aires marines et terrestres protégées en toute naturalité. C’est un renforcement considérable. » Début mai à Paris, des scientifiques venus du monde entier annoncent que 1 million d’espèces sont menacées d’extinction. Sur le perron de l’Élysée, le président Macron réagit aussitôt en claironnant cet objectif. Faune et flore protégées sur près d’un tiers du territoire ? Ça c’est un président écolo ! Vendredi prochain à Biarritz, au cours d’un « forum national des aires protégées », la ministre Elizabeth Borne répétera cet même slogan. 
Mais c’est quoi, une aire protégée ? C’est ici que commence l’embrouille. Il en existe des tas de sortes, avec des status, des réglementations et des niveaux de protection très différents. Un « labyrinthe inextricable » (1). Voyons la métropole. Elle compte sept parcs nationaux, qui bénéficient d’un très haut degré de protection. Ajoutez-y quelque 300 « réserves naturelles » et une soixantaine de « réserves biologiques intégrales », et vous obtiendrez environ 6 000 km2. Soit un tout petit peu plus de 1 % du territoire.
Comment, dès lors, le ministère de la Transition écologique peut-il d’ores et déjà écrire que « le réseau d’aires protégées terrestre couvre 29,5 % du territoire » ? Non seulement en incluant l’outre-mer avec ses parcs nationaux, ce qui est de bonne guerre (notons cependant que le parc de Guyane est à lui seul deux fois plus grand que les neuf autres réunis), mais surtout en y ajoutant les 53 parcs naturels régionaux, très étendus (le seul parc des volcans d’Auvergne équivaut aux sept autres parcs nationaux métropolitains), très peuplés,  et qui ne sont pas plus « protégés » que l’ensemble du territoire : les communes se contentent de signer une charte de bonne conduite et de faire fructifier la label « Parc régional », qui attire le tourisme vert.
Pour atteindre les fameux 30 %, il suffira donc, et c’est ce que va détailler la ministre à Biarritz, de programmer 27 projets d’extension des réserves naturelles nationales. Quand on connaît les conflits d’intérêts, d’usage, d’aménagement, que génère toute création d’espace protégé, pas sûr que ce soit réglé en 2022, mais bon.
Restent les aires marines, officiellement protégées à 22 %, mais là encore très mollement, car c’est coûteux et générateur de conflits. « Plutôt que d’étendre les superficies, c’est la protection qu’il faut renforcer. Et c’est de cela qu’il faudrait discuter à Biarritz, dit Ludovic Frère Escoffier de WWF. Mais quand nous demandons au ministère les cartes des zones marines qu’il compte vraiment protéger, silence radio ! » Pas grave. D’ un trait de plume magique, la ministre va créer deux nouvelles aires. L’une autour des îles Saint-Paul et Amsterdam (dans les Terres australes), et l’autre aux îles Glorieuses (près de Madagascar). Et hop ! 500 000 km2 d’aires « protégées » en plus ! Les fameux 30 % sont atteints : encore bravo !
(1) « Ré-ensauvageons la France » par Gilbert Cochet et Stéphane Durand – Actes Sud – 2018- 20 €
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