Roule, ma poule…

Le Canard Enchaîné – 17/08/2017 – Conflit de Canard –

« Il est évidemment hors de question que les poules soient adoptées pour être mangées » La page Facebook « Sauver une poule de réforme » annonce la couleur. Depuis quelque temps, les sites et les pages Facebook pour venir en aide aux poules pondeuses en fin de carrière se multiplient sur le Ne : « Une seconde vie pour nos poules », « sauvetage des poules »… Une véritable éclosion !

En effet, tous les dix-huit mois, les élevages industriels se débarrassent de leurs pondeuses, complètement usées après avoir produit 450 œufs, en les envoyant à l’abattoir. Sur Internet, les futurs adoptants peuvent picorer tout un tas de conseils : par exemple, où trouver sa cocotte – avec la liste par région des éleveurs qui acceptent de vendre quelques poules avant leur départ à l’abattoir – à quel prix l’acheter – moins de 2,50 euros -, mais aussi comment réagir aux « troubles du comportement » assez fréquents chez les pauvres bêtes post-traumatisées par leur expérience de pondeuse industrielle. De chouettes conditions de vie qui viennent de resurgir en marge de l’affaire des œufs au Fipronil.

Un homme désinfecte un élevage de poulets

Petit rappel : non seulement les poulettes sont aspergées d’antiparasitaires pour lutter contre les poux rouges, mais 69 % d’entre elles sont, de plus, enfermées dans des cages avec, pour se dégourdir les pattes, une surface équivalente à un peu plus d’une feuille A4. Un manque d’exercice qui donne de l’ostéoporose à toutes les pensionnaires. Une telle promiscuité rendant agressif, la jeune poule est « épointée » avant de fêter ses dix jours, comprenez qu’on lui coupe le bec à la lame chauffante ou par infrarouge, sans anesthésie, pour qu’elle ne blesse pas ses voisines. Et, pour stimuler la ponte, le poulailler industriel peut être éclairé 24 heures d’affilée puis plongé 8 heures dans la semi-obscurité. Un épatant mode d’élevage repérable par le chiffre 3 tamponné sur la coquille.

Lorsqu’elles ont zigouillées, les poules pondeuses encagées sont jugées invendables en France au rayon volaille à cause d’une chair trop dure. Environ 10% sont recyclées en VSM, pour viande séparée mécaniquement, un minerai protéiné qui sert à fabriquer les bouillons cubes et à farcir un tas de plats industriels, comme les raviolis ou les merguez de poulet. Toutes les autres poules de réforme, soit 29 millions de carcasses, sont refourguées congelées en Afrique, où elles sont vendues deux fois moins cher que la poulette du cru. Du « poulet morgue », comme l’ont baptisé les Africains, qui met sur la paille les petits éleveurs locaux.

Eh ben, ma cocotte…