Priorité à la compétitivité, où comment écraser son voisin pour lui prendre des parts de marché !

Siné Mensuel N°14 novembre 2012 – Pierre Concaldi – Membre des « Economistes Atterrés »
C’est parti pour la course à la com-pé-ti-ti-vi-té, un jeu idiot où tous les salariés sont sûrs de perdre.
La patronne du Medef réclame un « choc de compétitivité ». C’est pas donné : 30 milliards de baisse des cotisations patronales ! Après l’austérité déjà programmée par le Pacte budgétaire (30 milliards d’efforts et d’exonérations engrangées par les entreprises), les salariés risquent de ne pas apprécier ce nouveau coup de bambou.
Bref, on double la dose ! C’est ce qu’annonce aujourd’hui le rapport Gallois, demandé par le gouvernement. Conséquences : les pigeons de salariés paieront plus d’impôts et de taxes pour compenser cette baisse de cotisations. C’est comme si on leur demandait de travailler 10 jours gratos pour leurs patrons, au nom de la compétitivité ! Pour désamorcer cette petite bombe sociale, Hollande est sorti du bois. Récusant « l’idée de choc », il propose un « pacte compétitivité »… associant tous les acteurs… », et bla-bla-bli et bla-bla-bla… Car ce n’est pas en changeant l’étiquette que la potion sera moins amère pour les salariés. Plus grave : la compétitivité et la baisse des coûts salariaux est mortifère pour les salariés européens.
Les partisans d’une baisse des coûts citent l’exemple de l’Allemagne. Car depuis dix ans, le coût du travail y a augmenté moins vite qu’en France. Mais c’était l’inverse au cours des vingt années précédentes. Et la productivité des salariés a augmenté bien plus vite en France qu’en Allemagne. Bilan : depuis trente ans, les salariés français coûtent de moins en moins cher que leurs voisins allemands (-5%) et ils produisent de plus en plus qu’eux (+20%). La compétitivité-coût de la France s’est fortement améliorée… sans que cela nuise aux performances à l’exportation de l’industrie allemande. Conclusion : ce n’est pas de ce côté-là qu’il faut chercher la solution.
Au niveau européen, l’obsession de la compétitivité par les salaires risque d’avoir des effets dévastateurs. Comme les pays européens commercent principalement entre eux, ce que l’un gagne en part de marché à l’exportation, les autres le perdent : c’est un jeu à somme nulle. De plus, ces gains sont transitoires, car les pays perdants peuvent baisser encore davantage leurs coûts salariaux, et ainsi de suite…
Au bout du compte, personne n’y gagne et tout le monde y perd. Car cette course incessante au moins-disant salarial déprime la consommation intérieure qui est le principal moteur de l’activité. C’est le scénario des années 80 et 90. A l’époque déjà, on nous serinait la rengaine de la compétitivité. Résultat : vingt ans de croissance molle, les dividendes aux actionnaires qui se sont envolés et des dirigeants qui ont touché le pactole. Play it again, François ?

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