Banques centrales, le putsch permanent

Charlie Hebdo – 30/09/2015 – Jacques Littauer –
On ne présente plus le système bancaire libéral, avec ses banques centrales qui déterminent les taux directeurs, si décisifs pour nos économies. Suivant la pente techniciste de nos sociétés, les États ont cherché à accroître leurs performances en les rendant plus indépendantes. La porte ouverte à toutes les dérives.
Vous ne les avez pas élus, souvent vous ne connaissez pas leur nom ni les fonctions qu’ils occupent, pourtant ils prennent de décisions qui ont un impact direct sur vos chances de trouver un emploi, sur le coût de votre crédit immobilier ou sur la valeur de vos actions. Ils se parent de toutes les vertus – indépendance, probité, technicité – et échappent à toute remise en cause. Qui sont-ils ? Les employés des banques centrales, bien sûr. 
sans-titreLe traité de Maastricht (1992) a porté sur les fonds baptismaux en 1998 la Banque centrale européenne (BCE), à qui l’on a confié la gestion de l’euro. On ne soulignera jamais assez l’étendue de la bêtise alors commise : les États se sont dessaisis de leur monnaie nationale, non pas pour créer une authentique monnaie européenne, mais pour confier le bidule sitôt créé à des technocrates monétaristes obsédés par la lutte contre la hausse des salaires ! Et c’est ainsi que pendant des années la BCE a braillé à la « compétitivité » et à la « désinflation compétitive », menaçant tout le monde de son gros bâton – la hausse des taux d’intérêt, qui fait plonger l’économie dans le récession – si on ne lui obéissait pas. Et, pendant ce temps-là, les actions flambaient et l’endettement des ménages explosait, mais cela ne posait pas de problème, c’était le « marché », il ne fallait rien dire. même si ces deux bombes devaient nous péter à la figure en 2008, tandis que les salaires, maintenant trop bas empêchent les ménages de consommer et l’économie de repartir…
Gang de patrons 
Soyons juste : avec la crise, la BCE a changé. Mario Draghi* (depuis 2011), a promis qu’il ferait « tout ce qu’il faudrait » pour défendre la monnaie unique (entendre : il rachètera autant de dette émise par les États que nécessaire). Mais ce soutien est conditionné à l’accélération des « réformes » (et il ne s’agit pas de partager les droits de vote des entreprises au conseil d’administration avec les salariés). Il ne tient donc qu’à Dragui de la retirer quand bon lui, semblera.
Aux États-Unis, Janet Yellen, la patronne de la réserve fédérale (Fed), a beau multiplier les auditions largement relayées dans la presse, on retrouve le même pouvoir discrétionnaire de quelques « experts » sur la monnaie. Ainsi, il était attendu qu’elle augmente les taux d’intérêt, actuellement proche de 0 % (ce qui signifie que le crédit est gratuit pour les banques). Mais toute hausse d’intérêt restreint le crédit, ce qui est mauvais pour la consommation et l’investissement, et donc pénalise la croissance. Or la Chine tousse, et la planète des finances redoute de prendre froid… Prudente, Mme Yellen a décidé de laisser ses taux inchangés. Pourquoi pas, après tout ?
18-03-2008-Banques-centrales-quelle-strategieMais comment se fait-il que cette décision cruciale pour l’activité économique soit le fait de quelques-uns ? Pourquoi les États n’en sont-ils pas responsables ? Parce qu’ils se sont auto-accusés de ne pas être fiables, parce qu’on leur a reproché, dans les années 1970, d’être des grands drogué à l’inflation (qui réduit leurs dettes), parce qu’ils ont pensé qu’il valait mieux laisser la gestion de la monnaie à des institutions « neutres », « indépendantes ». C’est oublier bien vite le Mur de l’argent en 1924, qui a justifié la nationalisation, en 1936 de la Banque de France, redevenue indépendante (de l’État, pas des marchés, en 1993. Aujourd’hui, c’est l’ancien directeur général délégué de BNP Paribas, François Villeroy de Galhau, qui missel en poche et l’œil rivé sur les « rigidités » françaises, est pressenti pour en prendre la direction.  Cent cinquante économises ont râlé, estimant que sa nomination présenterait « un grave conflit d’intérêts« . Ils lui préféreraient un universitaire. Mais c’est un chômeur qu’il faut nommer à la tête de la Banque de France !
Lire aussi : Mario DRAGHI, aujourd’hui nommé président de la BCE, hier président de Goldman Sachs, a largement contribué au maquillage des comptes de la Grèce (9/11/2011)
J.C. Guillebaud : Draghi super Mario serait-il un renard végétarien au sein du poulailler européen ? (13/09/2012)

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