Mobiles : les opérateurs se gavent

Le Canard Enchaîné – 01/03/2017 – Hervé Martin –
indexÇa devait être une curée. Un bain de sang. En 2012, il avait été dit, écrit et répété que tous les opérateurs de téléphonie mobile ne survivraient pas à l’arrivée de Free, le quatrième larron. En 2015, alors que Bouygues Télécom et Orange tentaient un rapprochement, le monde des affaires bruissait toujours des rumeurs d’un désastre annoncé. Bouygues allait disparaître faute de clients, SFR succomberait à ses dettes monstrueuses. Quatre ans plus tard, Orange et Bouygues vont bien, merci. Les comptes qu’ils viennent de publier sont excellents. Chez Free et SFR, de très bons chiffres sont attendus début mars.
Olivier Roussat, le patron de Bouygues Télécom, a même poussé un cri du cœur. « Notre marge [bénéficiaire] a retrouvé un niveau équivalent à celui de 2012« , a-t-il déclaré à « L’Opinion » (24/2). Là ou Martin Bouygues passait son temps à jurer que Free ruinait le métier, son successeur affirme : « Le marché à quatre opérateurs est devenu viable, rentable. » Et ce n’est pas Orange qui prétendra le contraire : l’entreprise affiche une marge d’exploitation pour 2016 frisant les 20 %. Un autre signe ne trompe pas : depuis 2013, la valeur des cations des quatre opérateurs a pratiquement doublé. Pas mal pour un secteur supposé sinistré.
Idée fixe
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la hausse du prix des abonnements mobiles n’est pas en cause. Alain Bazot, le patron de l’UFC Que  Choisir, estime que, des années 2012 à 2014, « les consommateurs ont réalisé une économie globale de près de 13 milliards d’euros ». Alors, merci qui ? Merci la loi sur la portabilité du numéro, qui autorise un abonné à changer d’opérateur d’un simple claquement de doigt. Du coup « dès qu’un des quatre lance une promotion,les autres sont obligés de suivre« , explique l’association de consommateurs.
sans-titreEn fait, le redressement des comptes de opérateurs est imputable au téléphone fixe, qui « subventionne largement le mobile« , assure Antoine Autier, de l’UFC. Un client est rendu plus captif par son téléphone fixe que par son mobile. S’il veut changer d’opérateur, il doit se déplacer pour rendre sa box et s’en procurer une autre. En cas de problème, il court le risque d’une coupure de son téléphone, de son accès à Internet et de sa télé; ça dissuade. Du coup, les prix du fixe ne cessent de grimper. En 2012, le « triple play » a été lancé à 29,99 euros par mois. Aujourd’hui, les décodeurs à ce prix se font rares. La plupart des abonnements – avec services et rapidité améliorés – se monnayent autour de 50 euros. Sans compter la location de la box, autrefois gratuite, et de plus en plus souvent facturée aujourd’hui.
Ne coupez pas
Les économies en matière de téléphonie, se sont surtout faites sur le dos des salariés. Comme chez SFR en train de réduire d’un tiers le nombre de ses employés, soit 5 000 sur 15 000. Entre 2012 et 2015, selon l’autorité de régulation du secteur, l’Arcep, les opérateurs ont supprimé plus de 11 000 postes, malgré les 7 000 créés par Free. A près de 100 000 emplois détruits, l’économie se chiffre à quelque 1,1 milliard par an.
Mais, tout ça, c’est du passé. En présentant ses comptes, le 23 février, Martin Bouygues l’a juré : « L’opération boucherie se termine ! » Ouf !   

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