« Vote : abstention et réforme du système »

Ouest-France 19/08/2020 – Michel Drouet – Courrier des lecteurs –
Politique. « Le droit de vote n’est pas une simple formalité. Il n’est pas là pour conforter un système lorsque celui-ci est à bout de souffle. »
Dans un bureau de vote à Paris, en 2014 – Photo Gonzalo Fuentes – Archives Reuters
Le mot réforme, à la mode, est fréquemment utilisé par le gouvernement. Paradoxalement, la potion, souvent amère, que l’on veut faire boire aux citoyens, ne s’impose que très peu aux institutions, à ceux qui nous gouvernent et aux modes de désignation de nos représentants.
Cette frilosité et ces complexités qui organisent l’irresponsabilité sont à la source du désamour des Français pour le système en place. Ils se traduisent par une abstention désormais massive.
Les élections sont regardées à l’aune des intérêts des partis politiques, pas de ceux des citoyens, qui ne sont que là pour donner un vernis de démocratie à un système exsangue. À l’inefficacité s’ajoute le coût payé par le contribuable (indemnités des élus, cabinets parfois pléthoriques, dépenses de communication, parcs automobiles…).
« Le droit de vote, pas une simple formalité »
De plus en plus, la contestation gagne la rue, où se déroulent des manifestations parfois violentes, signe que le système ne fonctionne plus. La répression gagne sur la recherche de consensus.
Le vote comme panacée ? Ce droit est devenu naturel quand les pays ont atteint un seuil de démocratie. Il s’est répandu lorsque l’égalité entre les citoyens d’un même pays a triomphé (égalité femme-homme par exemple), mais c’est un droit qui doit sans cesse être réaffirmé ou réinventé quand le système qui en est à l’origine ne fonctionne plus ou mal.
Les politiques cherchent toujours à modifier les règles à leur profit. Le président américain critique le vote par correspondance qui lui serait défavorable. Certains États du même pays ferment des bureaux de vote dans les quartiers défavorisés.
Ailleurs, on offre des cadeaux aux votants (Russie), les électeurs sont fermement priés de voter pour le candidat unique (Chine) ou pour celui que la presse asservie à une idéologie promeut.
Mais, en France, nous n’en sommes pas là ? Non, mais il y a quand même plusieurs choses qui clochent et expliquent l’abstention massive.
À chaque élection, ses modalités et son territoire évoluent au gré du charcutage électoral guidé par des intérêts partisans au risque de l’absurde : qui peut, par exemple, citer aujourd’hui les limites de son canton, qui plus est dans les grandes villes, et les noms des élus qui le représente ?
Le président de la République a annoncé une nouvelle carte électorale pour les élections législatives. Gageons que, comme pour ses prédécesseurs, elle ne lui sera pas défavorable.
En France, nous votons souvent et nous sommes champions pour le nombre d’élus (560 000), mais là où la quantité devrait être gage d’une bonne administration, ce ne sont que chevauchements, saupoudrages de compétences, additions de procédures, clientélisme, chicaneries partisanes et intervention permanente des lobbies dans le processus démocratique.
À quand la fin de la « porosité » entre les grands corps d’État (Ena…) et les systèmes économiques qu’ils sont censés contrôler ? À quand une vraie réforme du mille-feuille territorial avec suppression d’un niveau ?
Le droit de vote n’est pas une simple formalité. Il n’est pas là pour conforter un système lorsque celui-ci est à bout de souffle. Il doit s’exercer de manière éclairée, comme le souhaitait Condorcet, afin de voter pour un projet et non voter par défaut, au risque d’affaiblir notre démocratie. Le vote blanc n’est qu’une chimère et l’abstention un pis-aller.

A propos werdna01

Hors des paradigmes anciens et obsolètes, libérer la parole à propos de la domination et de l’avidité dans les domaines de la politique, de la religion, de l’économie, de l’éducation et de la guérison, étant donné que tout cela est devenu commercial. Notre idée est que ces domaines manquent de générosité et de collaboration.
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